L'oenotourisme est-il rentable ?
- Charlotte FOUGERE
- 1 sept.
- 4 min de lecture

Il y a vingt ans, la dégustation de vins dans un domaine était encore souvent gratuite et sans réservation, un geste d’hospitalité destiné à stimuler les ventes de bouteilles. Aujourd’hui, l’œnotourisme a changé d’échelle : il repose sur des expériences scénarisées, des espaces d’accueil conçus pour le public avec des équipes professionnelles. Ce n’est plus un simple outil de communication mais une véritable activité économique, qui doit couvrir ses coûts et générer de la rentabilité.
Du geste d’accueil à l’expérience haut de gamme
Désormais, le visiteur ne recherche plus seulement à accéder aux vins, il achète une expérience complète. Cela peut être une dégustation assise avec accords mets-vins, une immersion dans des caves historiques, une visite à la scénographie travaillée, ou encore un dîner exclusif au milieu des vignes. Cette montée en gamme se traduit par une progression continue des prix. Aux États-Unis, une dégustation se vendait moins de 10 dollars en moyenne au début des années 2010 ; aujourd’hui, elle coûte plutôt autour de 40 dollars, et dans la Napa Valley il faut compter environ 75 dollars pour une formule standard et plus de 130 dollars pour une expérience prestige, voire bien davantage. En Champagne, certains domaines familiaux proposent encore des visites à 10 ou 15 euros, tandis que les grandes maisons affichent des tarifs proches de 80 euros, avec des formules de prestige qui dépassent parfois les 400 euros. En Rioja, les offres vont le plus souvent de 18 à 75 euros, en Toscane elles se situent autour de 60 euros, et en Afrique du Sud ou en Nouvelle-Zélande, les dégustations s’échelonnent de 20 à 30 euros pour une formule simple à près de 90 euros pour des expériences haut de gamme.
La qualité comme moteur d’investissement
Ces écarts reflètent l’ampleur de la gamme des expériences proposées. Investir dans une architecture remarquable, une scénographie immersive ou des espaces de dégustation sophistiqués permet d’attirer davantage et de justifier des prix élevés. Mais cela implique aussi des charges fixes plus lourdes : salaires de personnels qualifiés, entretien d’infrastructures, temps d’animation plus long, équipements technologiques. Autrement dit, plus la qualité augmente, plus le seuil de rentabilité s’élève.
Un cadre fiscal et social très contrasté selon les pays
La rentabilité dépend aussi du contexte dans lequel s’inscrit l’activité. La TVA, par exemple, joue sur le prix public payé par le visiteur, et par conséquent sur la compétitivité entre destinations. En France, elle est fixée à 20 %, en Espagne les prestations œnotouristiques relèvent en principe du taux de 21 %, en Afrique du Sud elle est de 15 %. En Californie, les dégustations sont soumises à la taxe locale sur les ventes, qui se situe autour de 8,75 % à Napa et peut atteindre 10,25 % à Sonoma.
À cette fiscalité s’ajoute le poids des charges sociales. En France, elles représentent environ 45 % du salaire brut, ce qui place le pays parmi les plus coûteux en Europe pour l’emploi d’équipes d’accueil. En Espagne, le taux est proche de 30 %, en Italie autour de 30 % également, et au Portugal environ 24 %. Aux États-Unis et en Afrique du Sud, la charge sociale est nettement plus faible. Cela signifie qu’une même visite facturée 50 euros TTC n’apporte pas le même rendement net selon le pays, car l’assiette hors taxes et le coût de la main-d’œuvre varient fortement.
Le prix comme clé de voûte du modèle économique
Le prix reste la pierre angulaire de la rentabilité de l'activité oenotouristique. Il doit couvrir les charges fixes, permettre d’amortir les investissements, absorber les commissions des plateformes de distribution, souvent comprises entre 10 % sur des plateformes spécialisées à 20–25 % sur les grandes plateformes internationales, tout en restant acceptable pour la clientèle. Trop bas, il met en péril l’équilibre économique ; trop haut, il freine la fréquentation et peut ternir l’image du domaine. La solution consiste à construire une grille tarifaire lisible : une entrée de gamme accessible, une offre signature qui incarne l’identité du domaine et une expérience prestige dont le prix élevé est pleinement justifié par son contenu.
Vers une tarification plus fine et des recettes complémentaires
L’avenir de l'oenotourisme ne réside pas dans une hausse continue des prix, mais dans une gestion plus subtile. Les domaines auraient intérêt à s’inspirer de logiques proches du yield management : ajuster les tarifs selon la saison, le jour de la semaine ou l’horaire, différencier le prix des créneaux en fonction de la demande, proposer des formats plus accessibles en basse saison. Ces pratiques, si elles sont claires et transparentes, permettraient de lisser la fréquentation et de mieux optimiser l’équation économique, sans dégrader l’expérience du visiteur.
Mais la rentabilité ne se joue pas uniquement sur le prix. Elle passe aussi par la création de recettes complémentaires, qui permettent de générer du revenu avec des charges limitées. On pense aux ventes additionnelles sur place (coffrets, éditions limitées, produits dérivés), à la mise en place de clubs ou d’abonnements, à la privatisation d’espaces pour des événements, aux ateliers saisonniers comme les vendanges touristiques, ou encore au développement de formats digitaux (dégustations en ligne, contenus exclusifs). Autant de leviers qui prolongent l’expérience et renforcent la relation client au-delà de la seule visite.
De la vitrine à l’activité rentable
L’œnotourisme n’est plus seulement un outil d’image : il doit devenir une activité économique autonome et durable. Pour cela, il faut conjuguer quatre leviers : la qualité de l’expérience, la maîtrise des coûts fixes, l’adaptation au contexte fiscal et social, et une tarification intelligente enrichie de recettes complémentaires. Le prix n’est pas un simple affichage : il est la clé de voûte du modèle économique, et c’est de lui que dépend la capacité de l’œnotourisme à s’imposer comme une activité réellement rentable.
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